Estelle Hanania

2009 Hanania Brunnquell (personal)

Texte d’Alexis Vaillant 

Les corps sont talochés au noir. Les visages défoncent des dessins. Les masques circulent. Des coquilles d’escargot bouchent les yeux. Du “… Sang Sang Sang …” lit-on sur un petit paravent devant lequel une fille au visage perlé de gouttes rouge attend. Comme si les acteurs de ce ballet mixte, de cette communauté adepte de poses grimées ritualisées, carburaient effectivement au sang bleu”.

En 2008, un magazine propose à Estelle Hanania et à Christophe Brunnquell de co-réaliser une série photo pour un numéro à venir. Les deux univers se connectent à l’occasion de cette commande. Clichés folk-ethno-critiques d’un côté. Iconographies gothiques débridées et visages cabossés fascinants de l’autre. Depuis, Hanania et Brunnquell co-produisent une ou deux séries photo par an, dans lesquelles ils brossent instinctivement et collectivement le portrait d’un monde semi-clandestin, brut, dont ils présentent aujourd’hui un digest. Leur Guerre du feu à eux.

L’organisation est basique. Hanania caste les modèles et presse sur le déclencheur. Brunnquell, lui, ouvre les portes de son atelier parisien, provoque les modèles, pose parfois avec elles, met ses oeuvres à disposition, scénarise. En amont du shooting, des pistes sont esquissées. Mais dès que la session commence, les instincts reprennent le dessus. Les obsessions croisées d’Hanania pour l’art brut et les masques, et de Brunnquell pour le dessin comme matière vivante, deviennent les garde-fous d’un environnement dans lequel les modèles improvisent et trouvent une place. Parfois, Brunnquell tient une nuque récalcitrante mais le pouvoir circule. Ici, l’improvisation devient presque voodoo. Personne ne sait ce qui se passe dans cette communauté éphémère. Une communauté dans laquelle le head paper fucking, le demi-black-face-to-face, la capture des corps, la tonalité carbone et les évocations cannibales et sexuelles où chacun, faisant un peu tout ce qui lui passe par la tête, se rêve autant qu’ils se réalise.

Interview by Charlotte Davey, published in Dazed Digital
Hanania & Brunnquell: La Guerre du Feu
The photography duo play good cop, bad cop’ with their models to provoke reactions. 

DD: You’d already been working with Brunnquell?
Estelle Hanania: The collaboration started in the summer of 2008 in Berlin. I was invited to shoot a portfolio for a Swiss magazine, as was Christophe, so we decided to do something together. The day after Christophe arrived in Berlin we started an eight hour nonstop shoot. It was a great encounter and experience for the both of us, totally exciting, and, more than free, it was liberating, like a total break from our own works but still linked in many ways. It became an inspiring collaboration to feed my other stories. Hanania & Brunnquell’ was born then.

DD: How do you find his working process?
Estelle Hanania: Christophe is a compulsive artist, always working on some drawings, sculptures and crazy pieces 24 hours a day, so regularly we gather and do photo sessions, one or two days in a row, sometimes three times in the same week.

DD: Are there themes you constantly return to?
Estelle Hanania: Masks, ambiguity, double meanings, efficiency, humour, pleasure, drawings, body, nude and violence. 

DD: And you draw on these during your shoots?
Estelle Hanania: We have to be inspired by our models. Christophe often uses old portraits of the person to create masks or props in advance to use during the photoshoot. We create in our own bubble, we are three most of the time, but to sum up our process, it is: the bully, the victim and the witness
(…)

DD: And what is it that you hope to imprint in minds?
Estelle Hanania: Fear. And glee.